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Page accueil Conditions de vie fin 19e et début du 20e siècle (1850-1915)  
Conditions économiques

"Gobbeuses" de minerai 1900 (amiante)
Musée McCord 1996-335,47


Gobbeuses d'amiante 1900
Musée McCord 1977-129

Ces femmes et souvent de jeunes garçons devaient casser les blocs de minerais au marteau à main pour en dégager l'amiante. Il est facile de s'imaginer la poussière d'amiante que ça devait soulever et qu'ils respiraient. On connait la toxicité de la poussière d'amiante et ses effets sur les poumons.


Amidonneuse de linge 1901
Musée McCord 85031181

Femmes au travail à la Dominion Corset en 1934
BANQ: HUE-PYX-IUG-F


Hommes au travail à la Dominion Corset
BANQ: HUE-PYX-IUL-R

Les deux photos d'employés de la Dominion Corset illustrent bien la ségrégation des tâches entre celles attribuées aux femmes et celles aux hommes. Ici, on voit les femmes faire le travail de couturières, un travail très manuel, alors que les hommes moins nombreux sont à la conception des produits même si ce sont des produits pour les femmes. Il était impensable à ce moment qu'une femme aurait pu être à la conception. En plus, jusqu'à la fin des années 1950, la femme qui se mariait ne pouvait plus travailler à l'usine!

Comme, je l'ai mentionné précédemment, j’ai converti le tableau de 1908 en dollars de 2011. Il donne une idée approximative, mais peut-être légèrement sous-évaluée étant donné que la feuille de calcul de l'inflation de la Banque du Canada ne permet le calcul qu'à compter de 1914. Même si la vie a énormément changé entre 1914 et 2011, les besoins essentiels comme l'alimentation, le chauffage, le logement et les soins de santé sont toujours d'actualité en particulier pour les ouvriers. On fait l'hypothèse que le panier de biens qui sert de base à l’indice a été modifié au fil du temps permettant ainsi d'avoir une bonne représentation de la situation financière des ouvriers de 1908 avec nos yeux de 2011.


Photo à la Dominion Corset autour des années 1940. Travailleuses au "buffage"(gonflage à la vapeur).
photo tiré du site de la Ville de Québec/page histoire/Dominion Corset


Salle des couturière à la Dominion Corset 1950-1955.
photo tiré du site de la Ville de Québec/page histoire/Dominion Corset

 En 1911, 21% soit 7 810 travailleurs sont des employés de manufactures. Il s’agit de la catégorie d’emplois avec les plus mauvaises conditions de travail (population active de 37 190 personnes à Québec, main-d’œuvre excluant les employés administratifs et les employeurs). Pour ce type de travailleurs, le salaire annuel moyen passe de 285$ en 1900 ( 5 540$ en $ de 2011) à 338$ en 1910 (6 570 en $ de 2011),


Les ouvriers du bâtiment (10,4% de la main-d'œuvre en 1911) et les débardeurs, hommes de métier pour la plupart, se rangent dans la catégorie des "privilégiés". Pourtant, compte tenu du chômage saisonnier, rares sont ceux dont le revenu excède 600$ en 1911 (11 664$ en $ de 2011), 


Les journaliers à l'emploi de la cité, paveurs de rues, poseurs d'aqueduc, charretiers, etc., reçoivent à peine plus de 400$ (7 776$ en $ de 2011),


En 1911, le revenu de l'instituteur laïque se chiffrait à 550$ (10 693$ en $ de 2011) et celui de l'institutrice à 220$ (4 276$ en $ de 2011),


Alors que le salaire d'un travailleur de manufactures n'augmente que de 18,5%, pendant la période de 1896 à 1914, le coût du logement double. En plus des loyers, les dépenses essentielles comme l'alimentation et le combustible connaissent des hausses marquées. Par exemple, dans la Basse-ville de Québec, le coût de l'alimentation a crû de 56,5% et le prix du combustible grimpe de 40%, de 1900 à 1913. Il est facile d'imaginer les conditions de vie difficiles dans lesquelles étaient plongées les familles de travailleurs,


Afin de mieux imaginer les conditions dans lesquelles vivaient ces familles à cette époque, j'utiliserai un article paru dans le journal le 18 janvier 1909 de L’Action sociale ( devenue L’Action catholique à partir de 1915). Il y est dressé un état des revenus et dépenses de travailleurs de la chaussure alors en plein conflit de travail.

 

Afin de voir qu'elle était le nouveau profil des ouvriers décrit dans les tableaux de cette page, j'ai fait quelques interpolations des taux d'augmentation mentionnés précédemment, en tenant compte que mes tableaux sont ceux de 1908. 

Au cours de la période allant de 1908 à 1914, le salaire annuel d'un ouvrier est passé de 438,40$ à 465,49$. Dans la même période, selon mes interpolations, la proportion du loyer sur le revenu annuel passe de 20,53% à 32,22%, celle du chauffage et de l'éclairage de 9% à 10% et celle de l'alimentation de 63,46% à 71,02% .

  1908 Situation fianle 1908 1914 situation finale1914
Salaire annuel 438,40 438,40$ 465,49 465,49
loyer % 20,53%   32,22%  
en $ 90,00$ 90,00$ 149,98$  
Chauffage et éclairage % 9%   10%  
en $ 39,46$ 39,46$ 46,55$  
alimentation % 63,46%   71,02%  
en $ 278,21$ 278,21$ 330,59$  
total dépenses en$   407,67$   527,12$
Total net en $   30,73$   -61,63$
         

 

La proportion sur le revenu annuel du coût combiné du loyer et de l'alimentation passe à 103,24% alors qu'elle était d'environ 84%. Il devient absolument nécessaire, pour ce type de famille, de trouver d'autres sources de revenus pour survivre. Je suppose que les plus vieux membres de la famille doivent aller travailler et ajouter leurs revenus à celui du père.

 

Dans la deuxième colonne de cette page, je n'ai fait que reproduire le tableau de cet article de 1909. Dans la troisième colonne, j'ai converti les chiffres en dollars d'aujourd'hui.

État des revenus et dépenses 1908

Revenus

Tailleur de cuir

Monteur de chaussures

Machiniste

1er trimestre

145,77  

131,18  

140,57  

2e trimestre

108,54  

100,88  

71,21  

3e trimestre

83,37  

61,69  

91,21  

4e trimestre

100,72  

88,38  

97,41  

Annuel

438,40  

382,13  

400,40  

Dépenses

Loyer

90,00  

72,50  

84,00  

Chauffage et éclairage

39,50  

30,00  

42,00  

Alimentation

278,20  

323,00  

298,40  

Vêtements et lingerie

94,00  

121,50  

135,75  

Taxes inscription école, église assurance maladie

62,00  

69,00  

59,10  

Divers

25,00  

15,50  

10,00  

588,70  

631,50  

629,25  

Surplus (déficit) annuel

(150,30)

(249,37)

(228,85)

Salaire hebdomadaire moyen

8,43  

7,35  

7,70  

BANQ: Action Sociale 1909 18 janvier 1909, Bilan d'un ouvrier

Les chiffres de cette analyse sont ceux, pour chaque métier, du revenu d’un père de famille moyenne avec 5 enfants en bas âge. Ils tiennent compte aussi du type d’association ouvrière dont ils font partie.

Comme on le dit dans l’article d’où proviennent ces chiffres:

un ouvrier ne peut pas vivre avec ce salaire, Certains artisans peuvent gagner jusqu’à 12$ par semaine, mais c’est l’exception et non la règle,

Supposons que le tailleur de cuir est un de ces artisans et qu’il peut gagner 12$ par semaine. À la fin de l’année, toutes choses étant égales par ailleurs, il bénéficierait d’un surplus de 35,36$ (687,26$ en dollars de 2011).

À la lumière de ces chiffres, il n'est pas étonnant que les  jeunes enfants doivent travailler pour compléter le revenu familial. Souvent, la femme aussi doit travailler. Le travail de la femme mariée doit se faire à la maison parce qu'il n'est généralement pas admis qu'elle travaille dans une entreprise.

Afin de faire mieux comprendre la situation décrite dans le tableau ci-haut, je vous ferai part de l'analyse qu'on retrouve dans l'article de L'Action Sociale du 18 janvier 1909 sous la plume de FR. Alexis, cap.

Comme on peut le constater dans le tableau précédent, les salaires sont insuffisants pour faire vivre une famille moyenne de l'époque, c.-à-d. de 5 enfants à moins que les enfants de la famille travaillent eux aussi et demeurent chez leurs parents amenant des revenus additionnels. Certains ouvriers réussissent à s'en sortir s'ils sont propriétaires de leur logement. Mais, la majorité s'endette et vit dans un dénuement absolu. Ce qui entraîne de fréquents déménagements parce qu'ils accusent des retards de paiement du loyer ou ne peuvent pas assumer une hausse du loyer.

De plus, le prix des denrées alimentaires augmente rapidement, d'une part parce que les "habitants" profitent de la situation pour faire plus d'argent et d'autre part parce que les commerçants doivent compenser les pertes pour les mauvais payeurs.

On réclame des mesures des autorités pour protéger les citadins de ces augmentations inconsidérées.

Les Unions ouvrières demandent des hausses de salaire, mais elles sont probablement conscientes que les patrons ne s'enrichissent pas outre mesure parce qu'eux aussi sont confrontés à un problème de taille, la concurrence des entreprises du "Dominion", comme on disait pour le Canada à l'époque, et des É.-U.. 

Cette nouvelle concurrence féroce (selon moi) fait en sorte que la production des entreprises de Québec devient irrégulière parce que la demande varie selon le marché qui est de plus en plus dominé par des entreprises de  l'extérieur. Ceci a des conséquences importantes sur le revenu des employés. Ils n'ont plus l'assurance d'un nombre d'heures de travail régulier, ou même d'en avoir. Pire, les employés sont obligés de se pointer à l'ouvrage dans l'espoir qu'il y en aura et ceux qui seraient absents risquent de perdre leur emploi. Ainsi, les ouvriers sont pris dans un cercle vicieux, ils doivent se pointer à l'ouvrage même s'il n'y en a pas et peuvent perdre leur journée et ne peuvent pas trouver un autre emploi entre temps.

nb d'heures $ par semaine paie
3 12 36,00 $
1 11 11,00 $
9 10 90,00 $
4 9 36,00 $
3 8 24,00 $
8 7 56,00 $
9 6 54,00 $
3 5 15,00 $
1 4 4,00 $
1 3 3,00 $
4 2 8,00 $
2 1 2,00 $
2 0 0,00 $
50   339,00 $

État des revenus et dépenses 1908 converti en dollars de 2011

Revenus

Tailleur de cuir

Monteur de chaussures

Machiniste

1er trimestre

2 833,87  

2 550,23  

2 732,78  

2e trimestre

2 110,09  

1 961,18  

1 384,37  

3e trimestre

1 620,77  

1 199,30  

1 773,19  

4e trimestre

1 958,07  

1 718,17  

1 893,72  

Annuel

8 522,80  

7 428,87  

7 784,06  

Dépenses

Loyer

1 749,66  

1 409,45  

1 633,02  

Chauffage et éclairage

767,91  

583,22  

816,51  

Alimentation

5 408,40  

6 279,35  

5 801,10  

Vêtements et lingerie

1 827,43  

2 362,05  

2 639,08  

Taxes inscription école, église assurance maladie

1 205,32  

1 341,41  

1 148,95  

Divers

486,02  

301,33  

194,41  

11 444,74  

12 276,80  

12 233,06  

Surplus
(déficit)
annuel
(2 921,94) (4 847,93) (4 449,00)

Salaire hebdomadaire moyen

163,90  

142,86  

149,69  

À compter du 1er mai 2011, le salaire minimum est passé à 9,65$ l’heure soit : 386$ par semaine. Ce montant de 386$ représente une semaine normale de nos jours de 40 heures. Pendant cette période, elle était plutôt de 54 heures et même 60 heures. En prenant comme base la semaine de 54 heures, le salaire hebdomadaire minimum d'aujourd'hui vaudrait 521,10$. 

On peut constater que l’ouvrier de 1908 gagnait environ le quart du salaire minimum d’aujourd’hui, soit:

    • 31% pour le tailleur de cuir;
    • 27% pour le monteur;
    • 29% pour le machiniste,

De nos jours, on pense que le salaire minimum est considéré sous le seuil de la pauvreté. Il n’est pas bien difficile d’imaginer les difficultés monétaires des ouvriers de cette époque avec une famille de 5 enfants en bas âge. Compte tenu, du faible revenu de ces gens, et de l’absence presque totale de protection sociale. La maladie devient un risque épouvantable, 

En effet, à cette époque, l'assurance-maladie n'existe pas. Tous les soins doivent être payés. Si en plus, c'est le gagne-pain de la famille qui est malade alors c'est catastrophique. Ces familles devaient compter sur les organisations caritatives, privées, souvent des organisations religieuses.

Aujourd'hui, surtout au Québec, la population compte sur les pouvoirs publics pour assumer le soutien aux nécessiteux. À cette époque, ce n'était pas du tout le mandat des pouvoirs publics. Je ne crois pas malgré le dévouement de ces organisations caritatives que le soutien des pauvres était aussi bien qu'aujourd'hui ( mon éditorial).